Paul Valéry précise comment chaque composition poétique ne peut pas correspondre à une seule signification authentique, « vraie, unique, en accord ou identique à certaines pensées du poète ». Dans la poésie, il ne s’agit pas de transmettre à quelqu’un quelque chose d’intelligible qui passe dans l’esprit d’un autre, mais de déterminer dans le premier un état dont l’expression est précisément celui qui le lui communique. Quelle que soit l’image ou l’émotion qui se forme chez l’amateur de poésie, cela vaut la peine si cela génère en lui cette relation mutuelle entre la cause du mot et l’effet de ce mot.
Les vers de Valéry rendent compte de ce monde symbolique et surréaliste qui caractérise son âme poétique. La peinture lyrique est l’une des préférées du poète, il voit ainsi la lune qui illumine et marque l’ombre de quelqu’un qui n’est pas bien défini, sur les marches, en attente. C’est précisément l’incertitude sur les actions humaines possibles qui crée une aura surréaliste de traduction poétique. L’ombre attend-elle quelqu’un? S’agit-il d’une description légère d’un événement probable ou imprévu, ou simplement du moment où quelqu’un envisage le scénario lunaire? A travers des adjectifs bien choisis, le poète nous fait entrer dans son paysage lyrique imaginaire. La nuit, le lustre des cygnes qui errent dans les roselières se détache, provoquant volontairement des mouvements concentriques dans l’eau. Voici donc le poète qui s’adresse à quelqu’un.
Certaines critiques ont parlé de l’illisibilité des poèmes de Valéry. Plus qu’une illisibilité, il s’agit de difficultés d’interprétation du cœur du poème lui-même. Les vers ouvrent un large éventail de possibilités d’analyse. Le parcours de formation de Valéry mène à des réflexions et des suggestions philosophiques, esthétiques, religieuses et anthropologiques, et à un symbolisme raffiné. La dimension onirique, la vision intérieure, l’imagination ambiguë ne sont que quelques-unes des manières symboliques dont le poète atterrit.
Dans certains vers, l’auteur se concentre sur l’image du contraste entre l’âme et le corps, entre la chair souveraine, la trahison profonde de l’âme et l’être sans défense. Aucune constriction et aucun démon ne plagie le comportement du protagoniste qui, cependant, est coupable d’offenser un Dieu. Il y a une anxiété affective qui aspire d’une part à éliminer une partie divine surnaturelle et ensuite « la récupérer d’une manière pure et libre de toute contamination ».
Même dans une peinture surréaliste, tout se passe dans l’ombre. Le protagoniste coexiste avec ses propres désirs, les rêves se mélangent avec des traits réels, la candeur brûlante caresse les pensées.